Genève, 21 et 22 avril 2018

      Dans le discours astrologique habituel, il semble acquis que le destin de l’Uranien ou de l’Uranienne soit marqué par un grand esprit d’indépendance et par une liberté particulière dans la manière d’envisager et de conduire son existence. Soit, mais pourquoi ne tenons-nous pas aussi pour acquis que la planète Saturne, par exemple, générerait des destins qui s’illustrent par l’autonomie, la maturité et la sagesse du sujet ? On se trouve face à un a priori, favorable à Uranus et dommageable à Saturne, en l’occurrence, mais aussi devant un énorme malentendu.
        Pensez à une grande Uranienne, comme Alexandra David-Neel. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a porté très haut les valeurs d’Ouranos, le Ciel Étoilé, et que le souffle de la liberté et de la transgression lui a valu un destin hors du commun. Certes, mais pensez-vous que la petite Alexandra soit venue au monde comme une libre penseuse et une féministe accomplie ? Le mythe uranien, elle l’a d’abord vécu sous la forme la plus douloureuse qui soit, celle du rejet maternel qui espérait donner naissance à un fils qui devienne évêque.
   Ouranos est l’Enfant-Amant qui comble Gaïa et la pratique astrologique nous montre que l’accentuation de la planète Uranus rend le sujet tout particulièrement sensible au fait d’être, ou de ne pas être, le Ciel Etoilé aux yeux de la Mère, de faire, ou de ne pas faire, sa fierté et sa joie. Impuissante à satisfaire le vœu de sa mère, la petite Alexandra a fait tout ce qui était en son pouvoir pour tenter de la combler. Elle s’est notamment adonnée à des pratiques ascétiques, à des jeûnes et des mortifications dans l’espoir de lui offrir, à défaut d’épiscopat, une vie de sainteté. La révolte est venue à partir de l’adolescence pour se développer en haine matricide qui ne la quittera plus.
    Si l’on veut comprendre l’histoire uranienne d’Alexandra David-Neel, il faut regarder le mythe d’Ouranos à son commencement, quand la splendeur du Ciel Étoilé reposait tout entière sur le regard émerveillé de la Grande-Mère. Cela nous permet de comprendre l’histoire d’un Romain Gary, qui restera fixé jusqu’à son suicide dans un statut de Fils-Amant. De relire celle d’une femme comme Alexandra David-Neel qui a dû développer des défenses contre la Mère. De repenser le destin de tout Uranien et de toute Uranienne à partir de ses fondements mythologiques, ceux qui font la splendeur et la fragilité du Ciel Étoilé.